Société d’histoire mennonite du Québec
Hommage de la Société d’histoire mennonite du Québec à Robert Dagenais
Pour 45 ans de service pastoral
Pour la plus jeune des associations provinciales des frères mennonites canadiens, il n’est pas banal de pouvoir souligner la retraite d’un de ses premiers ouvriers pastoraux après tout près de 45 années de ministère dans l’Église des frères mennonites au Québec.
À première vue, rien n’annonçait que le jeune Robert Dagenais, de Sainte-Thérèse, deviendrait un des dirigeants de l’Église des frères mennonites. Peu enclin aux études, Robert travaillait comme cuisinier au collège Lionel-Groulx. Fervent catholique, son père avait lui-même porté la soutane. Quant à Robert, c’est plutôt avec la rébellion au cœur qu’il entrait dans l’âge adulte. En 1971, l’une des premières cibles du prolifique évangéliste Guy Lavoie, âgé d’à peine 20 ans, s’initie aux Écritures et découvre Jésus avec joie et simplicité.
Loin d’être singulière, l’expérience de Robert est simplement l’une des premières d’une longue suite de conversion ayant secoué la turbulente jeunesse québécoise issue du baby-boom, ce, d’une façon particulière dans les environs de Sainte-Thérèse. C’est là qu’un collège régional constituait une sorte de foyer de contestation étudiante et une plaque tournante des mouvements sociaux et nationalistes au tournant des années 1970. Il demeure difficile de s’imaginer le zèle et le dévouement de ces nouveaux convertis dont faisaient partie Robert et plusieurs de ces amis de Sainte-Thérèse. Leur arrivée dans la petite Église des frères mennonites de Sainte-Thérèse a complètement transformé la vie de la communauté.
Aussitôt arrivés, aussitôt impliqués par-dessus la tête. Pas même cinq ans après sa conversion, avant l’âge de 25 ans, le missionnaire et pasteur Ernest Dyck demanda à Robert de diriger un petit groupe récemment implanté à Saint-Eustache, où n’existe alors aucune Église évangélique. En septembre 1976, Robert s’installe donc à Saint-Eustache avec une communauté en pleine ascension. Quelques années plus tard, le groupe érige la bâtisse qu’il occupe toujours, rue Saint-Laurent. Après onze ans comme pasteur à Saint-Eustache et désormais marié, Robert vit un épuisement professionnel, une réalité largement incomprise à l’époque mais qu’il a par la suite lui-même abordée dans un numéro de la revue Le Lien (Mars 1990). Grâce à l’intervention d’un frère un peu plus à l’affût, Robert se résout à prendre un congé sabbatique, avec le soutien de l’Association des Églises des Frères Mennonites du Québec et de l’Église de Saint-Eustache. En 1987, lui et Rita partent en Colombie-Britannique, une belle occasion d’améliorer leur anglais tout en visitant d’autres Églises des frères mennonites là-bas. Ils en reviennent l’année suivante pour s’occuper de la mère de Robert comme aidant naturel jusqu’à son décès. L’Église de Sainte-Anne-des-Plaines invite alors Robert à venir y servir comme pasteur, puis deux ans plus tard l’Église de sa conversion l’invite à les rejoindre en 1990. Il ne quittera plus le groupe jusqu’à sa retraite au début de 2022. Un record de longévité pour la courte histoire des frères mennonites au Québec, et un exploit quand on considère le contexte difficile dans lequel l’Église se trouvait à son arrivée.
Au milieu de ces responsabilités « locales », Robert s’est aussi constamment investi au niveau de la famille d’Églises, exerçant son talent et sa passion pour la bonne administration de l’institution : membre du comité d’évangélisation de l’AEFMQ, vice-président du C.A. de l’AEFMQ, comité des affaires sociales et spirituelles (CASS), cuisine et C.A. du Camp Péniel, comité de la revue Le Lien, etc. Le tout sur une période de plus de 40 ans.
Ces années de service ont certes été remplis d’exaltation, de joies, de satisfaction de voir l’Évangile s’enraciner ici ; mais ont aussi comporté leur charge de peine.
Ce que cette brève chronologie ne dit pas, c’est ce qui s’est vécu dans les Églises et comment ces Églises ont évolué. Pour Robert, exercer son pastorat d’un style modéré, humain et socialement incarné dans l’atmosphère à la fois enthousiaste et « fanatique » des premières décennies de l’Église FM, c’était s’exposer à la résistance de certains plus traditionalistes. Pour ce groupe d’Églises peu mature et en partie formé dans le dogmatisme évangélique et le légalisme, il fallut à Robert une grâce spéciale pour non seulement continuer de servir l’Église, mais pour la chérir inlassablement malgré ses soubresauts et ses crises. Dans une culture d’Église plutôt étroite qui stigmatisait un peu trop facilement qui marquait sa divergence d’opinion, il fallut réellement s’attacher à ce Jésus qui pardonne et qui place l’amour de Dieu et des autres devant toute autre considération. Et au fil du temps, petit pas par petit pas, dans l’amour et dans la persévérance, en regardant toujours à Christ, avec Robert on a appris à suivre Jésus tout en vivant pleinement dans ce monde qui ne le connaît pas encore. Peu à peu, éprouvées par des années de tumulte, les Églises des frères mennonites sont devenues un peu plus capables de déclarer le message de Jésus tout en offrant au monde une communauté plus compatissante, plus authentique, plus respectueuse, et capable de vivre avec un peu plus de diversité d’opinion. Bref, plus semblable à Christ. Pour ce service persistant dans l’amour, Robert et Rita, merci. Parce que les plus jeunes ou ceux qui se joignent à nos Églises n’apparaissent pas sur une page blanche, sans précédent ni histoire, nous devons souligner ceux qui ont contribué à façonner cette Église des frères mennonites qui aujourd’hui nous accueille, nous abrite, nous nourrit, nous stimule. Et grâce à l’engagement de gens comme Robert et Rita, nous sommes aujourd’hui en mesure de continuer l’écriture de ces chapitres de notre histoire. Au nom de la société d’histoire mennonite, Robert et Rita, merci, félicitations, et bon repos bien mérité.