Articles du Réseau Mennonite Francophone

Investir dans la jeunesse, ça vaut la peine

Raphaël Burkhalter travaille depuis février 2023 comme pasteur jeunesse de la Commission de jeunesse mennonite suisse (CJMS). Futur théologien, il aime le bon café et veut soutenir les jeunes mennonites de Suisse dans leur engagement au sein de leur Église.

« C’est pour cela que nous nous sommes rencontrés ici », dit Raphaël Burkhalter en souriant et en prenant une gorgée de son flat white. Futur théologien, il est jeune, lit beaucoup, aime skier et apprécie le bon café. Il est donc évident que pour une interview dans sa ville de résidence temporaire, il invite à se rendre dans un endroit où l’on peut certainement en trouver : le TM Café de Fribourg, où le café provenant de régions de culture exotiques est torréfié par leurs soins, préparé et servi dans les règles de l’art. Raphaël a découvert le café pendant ses études de théologie au Hillsong College de Sydney. C’est là qu’il a passé les trois dernières années avec son épouse Maude, avec laquelle il est marié depuis 2017. Début 2023, ils sont revenus en Suisse et depuis février, Raphaël travaille comme pasteur jeunesse à la Commission de la jeunesse mennonite suisse (CJMS). Parallèlement, il prépare avec Maude un master en théologie à l’Université de Fribourg.

Un enfant du Jura suisse

Raphaël a grandi avec trois frères dans une ferme du Jura suisse, à une quinzaine de minutes en voiture de Moutier. Durant son enfance, sa famille et lui faisaient partie de l’Église évangélique mennonite du Petit-Val. Il aimait aller à l’école du dimanche, au catéchisme, aux camps d’enfants. La chorale chrétienne Chrysalide était également importante pour lui. Il y passait tous ses vendredis soir et y a d’ailleurs rencontré Maude. Et lorsqu’il est allé à l’école secondaire à Moutier, il a aidé à fonder un groupe New Generation. New Generation est un mouvement d’élèves qui partagent l’amour de Dieu à travers différentes actions dans l’école. L’Église et la foi ont donc joué un rôle central dans son enfance et son adolescence. Voulait-il déjà devenir pasteur à l’époque ? « Non. Enfant, je voulais d’abord devenir gardien d’animaux », dit Raphaël. Mais comme il a toujours aimé bricoler avec du bois, il est finalement devenu menuisier.

Raphaël Burkhalter
Crédit photo : Maude Burkhalter

Mise à l’épreuve

En tant que menuisier, il s’est rendu en Afrique du Sud en 2016. Dans le cadre de son service civil, il a travaillé pour Timion, un projet qui propose une thérapie aux enfants handicapés et construit des outils pour eux. Son séjour a toutefois été brusquement interrompu : il a frôlé la mort dans un accident de voiture et a perdu une bonne amie qui n’a pas survécu à l’accident. Un coup dur qui a suscité chez lui de grandes questions et des doutes : pourquoi Dieu permet-il une telle chose ? Mais sa foi a résisté au défi et est devenue d’autant plus forte et importante. Et le désir de faire des études de théologie est né. Dès qu’il a été en mesure de travailler, il est retourné en Afrique du Sud pour terminer son service civil. C’était important pour lui.

Le choix de la théologie anabaptiste

Après son service, il a décidé, avec Maude, d’étudier au Hillsong College. En quoi le temps passé à Sydney l’a-t-il marqué ? « J’ai réalisé à quel point il est important de s’apprécier, de se renforcer et de se soutenir mutuellement. » L’ouverture d’esprit a également été un thème récurrent : le cursus comprenait un aperçu approfondi des différentes dénominations chrétiennes. « Apprendre à les connaître et à apprécier leur valeur m’a beaucoup plu », dit Raphaël. Ce faisant, il a également appris à apprécier à nouveau la valeur de la théologie anabaptiste, qui met l’accent sur la paix et la justice. C’est l’une des raisons pour lesquelles il poursuit maintenant ses études en Suisse. « J’aimerais ainsi contribuer à ce que la voix anabaptiste soit entendue dans le dialogue avec les autres dénominations », dit Raphaël. Pour que tout le monde vous écoute, il est bon de monter un peu dans l’échelle académique.

Pasteur jeunesse

En plus de ses études, Raphaël travaille depuis février comme pasteur pour les jeunes au sein de la CJMS. Alors que Maude et lui étaient encore à Sydney, on lui a demandé s’il voulait s’engager au sein de la commission jeunesse. « À l’époque, Maude et moi voulions plutôt nous engager pour le royaume de Dieu à l’étranger après nos études », raconte Raphaël. Il a donc refusé. Mais ensuite, ils ont de plus en plus remarqué qu’ils avaient envie de revenir en Suisse. Parallèlement, le désir de Raphaël de continuer à s’occuper de théologie sur le plan professionnel a grandi au cours de ses études. Concrètement, il pensait s’engager auprès des jeunes dans les Églises mennonites francophones (…) Désormais engagé à 50 % dans l’organisation de jeunesse des mennonites suisses, le travail lui plaît bien (…) Raphaël est convaincu qu’il vaut la peine d’investir dans la jeunesse. Car, en fin de compte, ce sont les jeunes d’aujourd’hui qui feront avancer et progresser les Églises à l’avenir. De son point de vue, le travail de la CJMS vise donc aussi à contribuer au maintien des mennonites en tant que mouvement d’Églises. « Les anabaptistes et leur théologie de la paix sont nécessaires pour la paix dans le monde. »

Simon Rindlisbacher


La version intégrale est sur le site de la CMS : https://www.menno.ch/investir-dans-la-jeunesse-ca-vaut-la-peine/

Article du Réseau mennonite francophone

Cet article est publié dans le cadre du Réseau mennonite francophone (RMF) et paraît aussi dans Christ seul (France), Le Lien entre nous (Québec) et sur le site de la Conférence mennonite mondiale (www.mwc-cmm.org).

Le RMF est né de l’idée d’un réseautage entre francophones lors des rencontres de la Conférence Mennonite Mondiale. Aujourd’hui, il regroupe des communautés mennonite-anabaptistes et des organisations de la CMM venant du Burkina Faso, du Congo, du Gabon, de Suisse, de France, de Belgique, du Québec, et des organismes missionnaires nord-américains travaillant dans la francophonie.

Pour garder le lien entre toutes ces communautés, le RMF propose chaque trimestre un article, écrit par des auteurs venant d’une région du monde différente et publié conjointement dans les magazines mennonites francophones des trois continents: Afrique, Europe et Amérique du Nord.

De jeunes Angolais formés à la construction de la paix

Lorsqu’il était coordinateur des programmes de paix du Comité central mennonite (MCC) en Afrique australe, Mulanda Jimmy Juma a mis en place des formations pour les Églises angolaises.

Luanda, août 2022 : de jeunes chrétiens de CICA effectuent une mission d’observation électorale
Crédit photo : Mulanda J. Juma

En 2017, une formation est organisée à l’intention des jeunes à travers le Conseil des Églises de Christ en Angola (CICA). Cette année-là, des jeunes gens convergent de toutes les provinces du pays pour apprendre à faire face en tant que chrétiens aux défis de leur société. Le voyage d’une douzaine d’heures depuis la capitale Luanda jusqu’au lieu du séminaire, proche de la frontière avec la Namibie, est effectué en bus. Au cours de ce voyage, on chante des cantiques et on se sent aux anges.

L’exemple de Noé

Pendant la session, l’enseignement porte sur les qualifications d’un bâtisseur de paix en se basant sur le récit de Noé (Genèse 6-8). La situation en son temps est celle d’un déluge de violences que Dieu doit détruire. La vision de Noé, reçue de Dieu, est de préparer un abri pour sauver un reste du déluge purificateur. Dans ce contexte corrompu, Noé fait exception par son comportement et son courage, qui lui permettent de mener à bien le travail énorme de la construction de l’arche. Ces qualités font l’étoffe d’un bâtisseur de paix, agent de transformation dans sa famille, son Église, son village et la société dans laquelle il vit. Un tel leader devient ainsi, comme dans une case traditionnelle, un pilier essentiel, une église au milieu du village. Il est non seulement visionnaire, mais aussi constructeur de ponts entre les parties en conflit ; il crée un espace de dialogue en cultivant la confiance et permet la guérison de ceux qui sont affectés par les événements traumatiques.

Quand le Seigneur prend le contrôle

Pendant la formation, je me sens poussé par le Seigneur à introduire une chanson en swahili : Mambo Sawa Sawa, Yesu a Kiwa Enzini, « Tout est bon quand le Seigneur prend le contrôle ». Cette chanson, traduite en portugais, deviendra populaire dans différentes Églises et sera une source de motivation et de ralliement pour les jeunes. Un des participants témoigne : « Les connaissances et expériences partagées par Dr Mulanda (…) m’ont beaucoup inspiré dans mon rôle de coordinateur de la Jeunesse de CICA. J’ai travaillé à créer des centres avec des clubs de paix qui se sont révélés des acteurs importants dans chaque province. À titre d’exemple, celui de Moxico a entrepris avec succès une médiation entre d’anciens combattants rebelles et le gouvernement provincial de la région ; cela a évité un nouveau déchaînement de violence. »

Luanda, août 2022 : de jeunes chrétiens de CICA effectuent une mission d’observation électorale
Crédit photo : Mulanda J. Juma

Un rôle actif pour la paix en Angola

Lors des élections générales de 2022, les jeunes de CICA organisent une observation électorale, en conviant des représentants d’autres confessions pour assurer des élections libres, démocratiques et transparentes. Une première ! Le président João Manuel Gonçalves Lourenço est réélu pour un deuxième mandat dans le calme et la paix. Je participe à ce processus comme conseiller technique de CICA et formateur des observateurs électoraux. Avec la formation sur la paix et l’observation électorale, les jeunes chrétiens d’Angola sont bien outillés pour continuer à bâtir la paix dans leur Église, leur pays et au-delà.

Un travail de formation à poursuivre Le programme de leadership de paix met aussi le doigt sur un manque : l’absence, en Angola, de toute formation au leadership de paix à l’intention des responsables d’Église. Le besoin est pourtant criant dans ce pays marqué par des années de guerre. La complexité vient du fait que la violence et les conflits qui en résultent sont systémiques : ils touchent le fonctionnement même de la société et également celui des Églises. Il faut faire appel à un autre type de raisonnement que pour la résolution de conflits interpersonnels. Il faut apprendre à « relier neuf points par quatre lignes droites » ! En d’autres termes, passer par un « remue-méninges » et dépasser les solutions simples en faisant appel à l’intelligence collective pour trouver des solutions. La vision pour CICA d’une telle formation universitaire prend de l’ampleur. Ces jeunes leaders seront ainsi mieux équipés pour faire face aux conséquences de la guerre, être des agents de transformation continue de leur milieu et accompagner le processus démocratique en Angola.

Mulanda Jimmy Juma accompagne les observateurs de CICA lors des élections en août 2022.
Crédit photo : CICA

Mulanda Jimmy Juma
représentant du MCC au Burundi et au Rwanda


Anogola : le lourd héritage de la guerre
L’Angola accède à l’indépendance en 1975, après une longue guerre de décolonisation, mais enchaîne avec 25 années de guerre civile et devient le théâtre de la guerre froide ! Parmi les nombreux migrants angolais, certains rejoignent les Églises mennonites des provinces du sud-ouest du Congo. À la fin de la guerre, ils retournent dans leur pays d’origine et fondent des Églises mennonites, regroupées en un Conseil des Églises mennonites en Angola, le CIMA.
Les traumatismes psychologiques vécus par ces mennonites angolais, survivant à presque un demi-siècle de guerre ou d’exil, ont des conséquences jusque dans la société en général, au sein des Églises et entre elles, marquées par la méfiance et un esprit de division. Lors des réunions organisées sous l’égide du MCC, ces traumatismes sont abordés dans la perspective de la guérison progressive des relations.


Pour aller plus loin…

Mulanda J. Juma retrace son parcours de vie qui l’a amené à devenir artisan de paix avec le MCC dans son autobiographie L’eau du lac était rouge – Un bâtisseur de paix congolais au cœur des guerres, Éditions Mennonites, coll. Les Dossiers de Christ Seul, 1/2023.

Un café dans une église ?

L’Église de la Prairie de Montbéliard a réfléchi il y a 10 ans à une vision d’Église renouvelée qui se décline en trois grands axes : servir Dieu, servir les cherchant Dieu, servir le monde. Dans ce dernier axe, un accent particulier est mis sur les personnes qui vivent dans la solitude et la détresse spirituelle.

Crédit photo : Raymonde Klopfenstein

Un lieu de vie

Pour concrétiser cette ouverture voulue sur les gens « du dehors », lors de l’agrandissement de l’église en 2017, un grand hall d’accueil vitré a été aménagé entre l’ancienne chapelle et les salles annexes de l’église. Il a été pensé pour servir de lieu d’accueil également en semaine sous la forme d’un café couplé à une librairie (nourrir le corps et l’esprit vont de pair !). Une église uniquement ouverte le dimanche reste sous-employée. Elle a vocation à être un lieu accueillant et chaleureux, un véritable lieu de vie tout au long de la semaine pour chacun, quels que soient son origine, sa foi, ses doutes, ses questionnements.

Les relations et interactions humaines sont fondamentales, et s’il existe un lieu propice et neutre pour partager, c’est bien un café. Le nôtre est un café associatif, c’est-à-dire que le but n’est pas de faire du commerce, les profits sont entièrement réinvestis dans le projet.

Un lieu accueillant

Le café Prai’lude (comme un prélude à la foi) a pu ouvrir enfin en septembre 2021. Le projet est porté par une poignée de bénévoles et un jeune en service civique, du mardi au vendredi après-midi, avec une nocturne le vendredi soir. On y propose des pâtisseries maison, du café sous toutes ses formes, un grand choix de boissons chaudes ou froides, et des repas salés sur le pouce.

L’activité a démarré en douceur, avec des usagers venant surtout des milieux chrétiens au départ, pour finalement toucher davantage de personnes de l’extérieur. Dans ce but sont aussi organisées des soirées musicales. Nous pensions atteindre les étudiants lors des nocturnes du vendredi, mais finalement ce sont des migrants qui participent aux jeux organisés ce soir-là. Ils prolongent leurs cours de français, donnés sur place par des bénévoles le vendredi en fin d’après-midi, par des activités ludiques leur permettant de mettre en pratique ce qu’ils viennent d’apprendre. Comme ils sont souvent logés dans de petits appartements, le café est aussi un lieu de rencontre pour eux en groupe élargi.

Témoignages d’usagers

Crédit photo : Raymonde Klopfenstein

« On se sent bien ici, l’atmosphère est paisible, l’accueil est chaleureux. »

Un jour, un homme d’un certain âge entre en disant : « Je suis un naufragé de la vie et je viens chercher des réponses. » En a découlé une formidable occasion de témoigner. Il a pu repartir apaisé. Des personnes de l’Église ont pris l’habitude de venir avec leurs collègues de travail et leurs enfants en fin d’après-midi après les cours, profitant ainsi des commodités pour leurs enfants (coin garderie, baby-foot, jeux extérieurs) pendant qu’ils échangent autour d’un café ou d’un thé. Parfois, les usagers repartent avec une des bibles gratuites disposées sur le comptoir à l’entrée, ou une invitation à une balade organisée par le groupe des marcheurs de l’Église. L’un d’eux a accepté une invitation au parcours Alpha (et en est ressorti enthousiaste). D’autres sont très étonnés de trouver un café dans une église et profitent du parking pour s’arrêter et boire un verre. Un couple a pris ses habitudes et vient au moins trois fois par semaine lire le journal et discuter de sujets spirituels. De jeunes migrants viennent aussi quasi quotidiennement pour pratiquer et améliorer leur français. Une lycéenne d’origine musulmane, qui ne trouve pas de réponse dans son environnement, vient discuter de la foi chrétienne qui l’intrigue et l’interpelle.

Brassages

Crédit photo : Raymonde Klopfenstein

Le café ouvre également lors de manifestations qui ont lieu à l’église, dont la salle de culte est parfois prêtée pour des concerts ou d’autres occasions. C’est aussi une façon d’avoir des contacts avec nos contemporains qui ne mettraient pas spontanément les pieds dans une église. Et quand le retour est « On ne pensait pas que c’était ainsi, l’Église », on sait qu’on a atteint la cible. Un ami non chrétien qui s’investit dans les cours de français aux migrants, toujours étonné de ce que le café brasse tant de personnes de nationalités différentes, s’est exclamé : « Votre café est « the place to be[1] in Montbéliard » ! »

RAYMONDE KLOPFENSTEIN
responsable du café Prai’lude


[1] L’endroit où il faut être.

« Je veux être une ambassadrice pour la paix ! »

L’espoir émerge d’un forum sur la crise sécuritaire au Burkina Faso.

Les attaques des groupes armés radicaux irréguliers et la riposte de certaines milices continuent de déstabiliser la région du Sahel au Mali, au Niger et au Burkina Faso. En 2021, il y a eu 800 attaques meurtrières dans la région, entraînant le déplacement de plus de 2,5 millions de personnes[1]. Deux coups d’État ont eu lieu au Burkina Faso, le 24 janvier et le 30 septembre 2022, au moins en partie en raison de l’indignation croissante de la population face à l’insécurité permanente. Malgré les promesses et la volonté d’asseoir une transition ordonnée, les régimes rencontrent les mêmes difficultés que leurs prédécesseurs pour apporter des réponses à la violence, tant le mal est profond. Un analyste politique a comparé le Burkina Faso à une « digue » ou une « zone tampon » comprimée de toutes parts par les tentatives islamistes d’installer un califat[2].

Dans ce contexte, le Comité central mennonite (MCC) a cherché à « soutenir davantage d’activités de consolidation de la paix qui réparent les divisions dans les communautés et s’attaquent aux moteurs de l’extrémisme »[3]. L’idée d’un forum a émergé comme une première étape afin de mener une analyse approfondie du conflit.

Le Forum sur la crise sécuritaire au Burkina Faso, organisé en partenariat avec des Églises protestantes du pays, a eu lieu les 17 et 18 mai 2022. Pendant ces deux jours, environ 70 personnes de toutes les régions et de différentes sensibilités religieuses du pays ont écouté et partagé des analyses, réfléchi aux ressources et exprimé leur propre engagement à œuvrer pour la paix. Les allocutions plénières, suivies de séances de questions-réponses animées, ont alterné avec des discussions en petits groupes et de courts témoignages de plusieurs participants qui ont été particulièrement touchés par la crise.

Une crise complexe

Les échanges ont vite mis en évidence que la crise sécuritaire au Burkina Faso était bien plus complexe et multiforme que ce que la plupart des participants – y compris les organisateurs – avaient compris auparavant. Des communautés vivant dans certaines localités reculées du pays deviennent de plus en plus vulnérables en raison du changement climatique qui entraîne une pénurie de ressources alimentaires. En même temps, l’absence presque totale de l’action de l’État dans ces zones alimente une profonde désillusion. Cela entraîne la croissance des conflits entre communautés locales voisines. De très importants réseaux de contrebande et de trafic (drogues, cigarettes, motos et commerce de l’or) financent également les activités terroristes, tandis que l’afflux d’armes dans la région ne fait qu’accroître les enjeux. Les idéologies islamistes ciblent les musulmans sunnites modérés et les chrétiens. Les chefs religieux qui souhaitent réagir manquent de formation en théologie de la paix et en techniques de consolidation de la paix et se sentent isolés. Pendant ce temps, la population est de plus en plus militarisée par la constitution de milices d’autodéfense.

Madame Ouattara Habibou, alors présidente du Réseau des Femmes de Foi pour la Paix au Burkina Faso (REFFOP-BF), s’exprime lors du Forum sur la crise sécuritaire, 18 mai 2022.
Crédit photo : MCC/Olivier Ouali

Déterminés à agir pour la paix

Après les présentations, les participants se sont demandé comment promouvoir la consolidation non violente de la paix. « Je veux être une ambassadrice de la paix ! », s’est exclamée Madame Ouattara Habibou, alors présidente du Réseau des Femmes de Foi pour la Paix au Burkina Faso (REFFOP-BF), « mais je n’ai pas reçu de formation pour être une ambassadrice de la paix ! » Les chefs traditionnels ont exprimé des préoccupations similaires, espérant une formation pour soutenir leurs efforts de négociation à la base.

Paradoxalement, bien que les témoignages et les discussions aient révélé que la crise était bien plus complexe que ne le suggèrent la plupart des récits officiels, l’espoir de trouver des solutions pacifiques au conflit a également émergé lorsque les participants ont réalisé qu’il ne s’agissait pas d’une crise inexplicable qui frappait simplement le Burkina Faso de l’extérieur. Malgré les réelles dynamiques géopolitiques externes auxquelles le Burkina est soumis, la crise est parvenue à s’enraciner ici pour des raisons locales. Comme l’a souligné de façon poignante un participant, « ce sont nos propres enfants qui sont dedans ». Le forum a fourni un espace pour commencer à envisager des solutions pacifiques.

Discussion en petit groupe lors du Forum
Crédit : photo MCC

Le MCC s’apprête à entamer dans le nord du pays un partenariat qui se concentrera sur la prévention de la radicalisation et de l’enrôlement des jeunes dans les groupes terroristes, par le biais d’un dialogue intergénérationnel et d’un soutien aux modes traditionnels de gestion des conflits. Le forum a fait prendre conscience des réalités vécues par les Burkinabè loin de la capitale, et a libéré de l’énergie et de l’espoir pour la collaboration et la paix.

ANICKA FAST
co-représentante du MCC au Burkina Faso

Pour lire l’article sur le site Internet des Éditions Mennonites, veuillez suivre ce lien.


[1] UNHCR, « Decade of Sahel Conflict Leaves 2.5 Million People Displaced », Reliefweb, 14 janvier 2022, https://reliefweb.int/report/burkina-faso/ decade-sahel-conflict-leaves-25-million-people-displaced.

[2] Serge Carrel, Illia Djadi, « La poussée de l’islam radical en Afrique de l’Ouest et centrale », Un « R » d’actu, Radio R, 2 décembre 2021, https://radio-r.ch/radio-r/illia-djadi-a-deux-reprises-sur-un-r-dactu-pour-detailler-la-poussee-de-lislam-radical-en-afrique-de-louest-et-la-reponseque-peuvent-y-apporter-les-eglises.

[3] Plan stratégique du MCC Burkina Faso, 2020 à 2022.

Au-delà des barrières

Le rassemblement de la Conférence Mennonite Mondiale (la CMM) avait pour thème « Suivre Jésus ensemble à travers les frontières ». Le thème en anglais est formulé ainsi : « Following Jesus together across barriers », ce que je traduirais plutôt par « Suivre Jésus ensemble au-delà des barrières ». Ce séjour en Indonésie a été pour toute notre équipe l’occasion, non seulement de traverser des frontières, mais d’aller au-delà de nos propres barrières.

Une expérience inoubliable

J’ai participé au voyage organisé par l’association Joie et Vie. Nous étions un groupe composé de trois personnes de Suisse et six de France. En 2021, j’ai eu l’occasion de faire un film de dix minutes sur la relation entre les musulmans et les mennonites d’Indonésie[1]. C’est une équipe locale qui l’a tourné et j’ai pu la rencontrer et visiter certains lieux de ce tournage. Pour moi, une expérience inoubliable ! Paulus Hartono et Danang Kristiawan, qui sont des intervenants dans le film, ont été nos guides avant et après le rassemblement.

Si je connais un peu l’islam, je ne connais quasiment rien de l’hindouisme, du bouddhisme ou du confucianisme. Or ce sont quatre religions reconnues par l’État Indonésien avec le catholicisme et le protestantisme, dont les 110 000 mennonites[2] font partie. Rappelons que l’Indonésie compte 275 millions d’habitants, dont 87 % sont musulmans et environ 10 % sont chrétiens.

L’ombre du Covid

Pour les organisateurs du rassemblement, la pandémie avait depuis longtemps anéanti les espoirs de remplir la méga-église anabaptiste de 12 000 places à Semarang. On estime que 5 % des participants ont eu le Covid et ont dû être confinés plusieurs jours, ce qui les a empêchés de participer en présentiel à certaines rencontres. Heureusement, personne n’est tombé gravement malade. Durant toute la durée du rassemblement, il a été demandé aux participants de porter un masque à tout moment.

La CMM avait limité le nombre de participants à un millier parce que, comme l’a expliqué Liesa Unger, responsable des événements internationaux de la CMM, « nous ne voyions pas comment suivre toutes les règles gouvernementales pour plus de 1 000 personnes. Notre plus grande crainte était de voir toutes les rencontres annulées par le gouvernement ».

Une assemblée peu nombreuse mais pleine de joie

Avec sa devise nationale « L’unité dans la diversité », l’Indonésie s’est avérée un pays hôte idéal pour la 17e assemblée de la CMM. Les anabaptistes de 44 pays se sont retrouvés pour la cérémonie d’ouverture dans le hall aménagé d’un séminaire mennonite, le Sekolah Tinggi Teologi Sangkakala (STT), situé sur le flanc d’une montagne surplombant la ville de Salatiga. Plusieurs prestations artistiques remarquables ont enrichi cette cérémonie, comme un opéra traditionnel de Gamelang, et un temps de louange conduit par un groupe international, puis par le groupe au style décoiffant de la Jakarta Praise Community Church, une Église comptant 18 000 membres.

Les retransmissions des jours suivants rassemblaient en moyenne 700 personnes au STT et une poignée d’autres participants dans des églises de quatre autres villes. Au total, environ 800 personnes ont suivi les rencontres à distance à travers le monde. Matin et soir avaient lieu des célébrations, qui débutaient par un temps de louange conduit par un groupe de chant international. Les après-midi étaient réservés à des excursions ou des ateliers. Après le rassemblement, notre groupe – auquel se sont ajoutées d’autres personnes – a prolongé le séjour en Indonésie, à la rencontre de mennonites, mais aussi de musulmans, d’hindous et de bouddhistes qui nous ont fait découvrir leurs lieux de culte et leurs coutumes.

MAX WIEDMER


[1] https://www.editions-mennonites.fr/2022/02/deuxieme-video-de-la-serie-transmission/

[2] . L’Indonésie compte trois unions d’Églises mennonites : GKMI – Église chrétienne de Muria d’Indonésie, GITJ – Église évangélique de Java et JKI – Assemblée chrétienne indonésienne


LE RENDEZ-VOUS MANQUÉ DU RÉSEAU MENNONITE FRANCOPHONE

Le Réseau Mennonite Francophone (RMF monde) de la Conférence Mennonite Mondiale ne se réunit officiellement que tous les trois ans. C’est-à-dire lors des réunions des délégués de la CMM.

En Indonésie, seules 12 personnes étaient présentes à la réunion dont quatre Congolais, les seuls Africains ! Quand on pense que nous étions plus de 80 personnes en 2015 en Pennsylvanie ! Pourquoi si peu ? La réunion s’est pourtant tenue juste avant l’ouverture de la Conférence pour favoriser la rencontre. Mais certains francophones n’étaient pas encore arrivés, d’autres étaient en excursion.

Dimanche 10 juillet, le culte a été célébré dans l’immense salle « Holy Stadium » de 12 000 places. 1 000 étaient occupées.
Crédit photo : Max Wiedmer

Que retenir de la rencontre ?

Il n’est pas évident d’organiser des rencontres en présentiel en Afrique, et même les rencontres en ligne n’ont pas vraiment de succès. La technique fait souvent défaut. En Europe, un groupe d’une quinzaine de personnes se réunit deux fois par an, dont une fois au moins en présentiel. Nous voulons essayer d’inclure en ligne ceux « d’ailleurs » pour un réseautage plus international. Ce point a été discuté lors de la réunion. Les participants congolais ont dit leur volonté de s’investir dans le réseau, en lien avec des mennonites burkinabè contactés après la réunion.

Artisans de paix dans un monde violent

En Matthieu 24.4-8, Jésus décrit ainsi le monde dans lequel les disciples vont vivre : « Vous allez entendre des bruits de guerres proches et des nouvelles sur les guerres lointaines… » et il ajoute qu’« un peuple combattra contre un autre peuple et un royaume attaquera un autre royaume ». En donnant une telle description, Jésus ne banalise pas la guerre, mais il la décrit comme une expression de la violence qui se vit dans les rapports entre peuples et entités politiques. Cette violence caractérise l’expérience humaine à tous les niveaux. Dans le récit biblique, elle est l’expression d’un bris de relation avec Dieu — le Dieu qui donne la vie et invite à vivre en paix avec lui, les uns avec les autres, et en harmonie avec la création. La violence est liée à ce refus de vivre dans la paix avec Dieu.

Le choix de la guerre

La guerre en Ukraine dure depuis trois mois. Il y a un récit qui parle de toutes les tensions entre l’Ukraine et la Russie. Ces tensions et ces circonstances n’ont pas conduit inévitablement à la guerre. Une décision a été prise de faire la guerre et de la poursuivre. Les conséquences de cette décision incluent 4,3 millions de réfugiés déplacés de leurs foyers, des familles séparées, des destructions et des effets économiques touchant le monde entier.

Si nous examinons les guerres et les conflits survenus en Afghanistan, au Yémen et sur le continent africain, nous voyons que chaque guerre a sa propre histoire de tensions, de revendications et d’injustices. Nous proposons que ce ne soit pas le récit — les circonstances — qui conduit inévitablement à la guerre, mais que la guerre est le fruit de la décision d’un État ou un groupe d’introduire la violence dans ces circonstances.

La violence, partout

Nous voyons partout dans le monde les gestes de violence. Cette violence, expression de notre besoin de réconciliation avec Dieu et les uns avec les autres, touche tous les niveaux de la vie humaine, les relations entre États, la société, nos relations personnelles, même l’Église. Nous pouvons parler de la guerre en Ukraine ou ailleurs comme une situation injuste et destructrice qui se passe en dehors de notre contexte, mais cette guerre doit aussi nous rappeler le besoin de nous adresser à la violence qui s’exprime autour de nous et qui nous habite. Ainsi, vivre comme artisans de paix dans un monde violent est un engagement qui touche les situations loin de nous et qui nous transforme dans notre façon de vivre là où nous nous trouvons.

La bonne nouvelle de la réconciliation

Si nous portons notre attention sur le message biblique, nous voyons que, si nous sommes appelés à vivre comme artisans de paix, c’est parce que Dieu est l’Artisan de paix. Dans un monde marqué profondément par la violence, Dieu prend l’initiative de construire la paix. Paul écrit en Romains 5.10 : « Nous étions les ennemis de Dieu, mais il nous a réconciliés avec lui par la mort de son Fils ». Dans son amour, Dieu nous ramène à la paix avec lui, couvrant nos fautes et notre violence.

Nous sommes appelés à entrer dans la paix établie à la croix. Dans sa lettre aux croyants d’Éphèse, Paul dit : « Par sa mort sur la croix, le Christ les a tous réunis en un seul corps et les a réconciliés avec Dieu ; par la croix, il a détruit la haine » (2.16). Paul s’adresse à une communauté qui cherche à saisir de quelle façon les chrétiens d’arrière-plan juif et ceux d’arrière-plan non juif peuvent former un seul peuple dans l’amour et dans la paix. En Jésus-Christ ils sont rassemblés et tout mépris motivé par l’arrière-plan est défait. Dans notre contexte, nous pouvons comprendre que Jésus-Christ, par son œuvre de réconciliation, défait toute expression de mépris pouvant nous séparer, quel que soit son fondement. Cette vérité est simple, mais puissante, nous appelant tous et toutes à un changement d’attitude et de comportement.

Agir en artisans de paix

En Matthieu 5.9, Jésus parle de ceux « qui répandent la paix autour d’eux ». Il s’agit clairement d’une action, d’une façon de vivre qui a comme effet de répandre la paix que Dieu donne dans un monde marqué par la violence. Ceux et celles qui vivent de cette manière démontrent qu’ils sont les enfants de Dieu. Jésus n’a pas dit que ceux qui avaient la bonne théologie concernant la paix seraient appelés enfants de Dieu (même si une théologie de la paix peut nous guider et nous motiver dans notre façon de vivre). Il n’a pas dit que ceux qui saisissaient tous les éléments sociopolitiques liés aux conflits seraient appelés enfants de Dieu (même si cette compréhension peut nous guider dans notre manière d’aider). Au-delà de commenter ou de discuter des situations de guerre, nous sommes appelés à construire la paix. Comme le dit Hauerwas, « on ne peut pas dissocier l’œuvre de la théologie de la vie et des pratiques de l’Église »[1]. Laissons le message biblique nous informer et nous transformer, continuons à construire une théologie de la paix qui est fidèle à l’appel de Christ et qui nous inspire à vivre comme artisans de paix.


[1] Stanley Hauerwas, Advice to Christian theologians, p. 234

Note : Cet article est une adaptation d’une conférence donnée le 21 mai 2022 à Montréal dans le cadre des activités du Centre d’études Service Paix Réconciliation de l’ÉTÉQ.

David Miller
PhD (théologie), ÉTÉQ, Centre d’études Service Paix Réconciliation, directeur


Cet article et le réseau mennonite francophone
Cet article est publié dans le cadre du Réseau mennonite francophone (RMF) et paraît dans Christ seul (France), sur le site de la Conférence mennonite suisse (www.menno.ch) et sur celui de la Conférence mennonite mondiale (www.mwc-cmm.org).
Coordination de la publication des articles : Jean Paul Pelsy

Former des artisans de paix dans un monde en guerre

Émanation du Réseau Mennonite Francophone, le Centre de Formation à la Justice et à la Paix (CFJP) propose une formation anabaptiste francophone en ligne dans les domaines de la paix, de la justice et de la réconciliation.

Officiellement hébergé à Université de l’Alliance Chrétienne d’Abidjan (UACA), le CFJP a été lancé en 2017 en lien avec quinze institutions partenaires en Afrique, Europe et Amérique du Nord. Parmi elles, douze sont situées en Afrique subsaharienne.

L’ADN du projet CFJP

Le CFJP a pour but d’offrir aux responsables chrétiens des possibilités de formation académique et pratique portant sur la justice réparatrice, la transformation des conflits et la consolidation de la paix. Il vise à former des artisans de paix qui servent l’Église au sens large tout en étant enracinés dans la théologie, les valeurs et les perspectives anabaptistes. Ces artisans de la paix se concentreront sur un changement holistique à long terme, profondément ancré dans le shalom divin, qui intègre la transformation personnelle, sociale et systémique. La diversité des contextes ministériels, y compris les questions et les besoins particuliers qu’ils suscitent, nous oblige à proposer des outils, des compétences et une expertise contextualisés à l’Église et aux communautés chrétiennes. Finalement, les artisans de paix seront appelés à développer des partenariats au-delà des lignes confessionnelles, institutionnelles, organisationnelles ou culturelles.

Les membres du groupe de travail réunis à Abidjan
Crédit photo : RMF

Abidjan, février 2022

Alors que les tanks de Poutine franchissaient la frontière ukrainienne et tiraient leurs premières balles, une vingtaine de spécialistes de paix et de justice se réunissaient sur le campus de l’Université de l’Alliance Chrétienne d’Abidjan. Le groupe était chargé de concevoir les formations diplômantes d’un master dans les domaines de la justice réparatrice, de la résolution des conflits et des études sur la paix, ainsi que de proposer une première ébauche de ce programme aux écoles et aux institutions théologiques partenaires du consortium CFJP. Les participants venaient du Bénin, du Burkina Faso, de Côte d’Ivoire, de France métropolitaine et de Guadeloupe, du Nigeria, de la République Démocratique du Congo, de Suisse et du Tchad. Le groupe était constitué de professeurs et de pasteurs, de missionnaires et de militants, de diplomates et de médiateurs au niveau de la base.

Un cursus à construire

Le groupe s’est mis au travail autour de tables de conférence, discutant de la nature d’un premier master, identifiant les besoins clés des membres de nos Églises, définissant les compétences nécessaires pour former des artisans de paix, tout en débattant vigoureusement des cours qui devraient constituer le cursus. Le partage des repas, au cours desquels nous avons eu des échanges personnels et familiaux, a permis de tisser de nouveaux liens et de poser une fondation solide au travail qui est devant nous. Nous avons également partagé les défis auxquels nous faisons face dans nos contextes respectifs ainsi que nos témoignages et parcours spirituels.

Les liens se tissent pendant les repas
Crédit photo : Matthew Krabill

À l’écoute des besoins de l’Église

 Au cours des échanges, une professeure et doyenne d’université de l’Est de la RDC a évoqué 25 ans de conflit dans sa région et le traumatisme générationnel qui en a résulté à tous les niveaux de la société. Elle a parlé en particulier de la violence à laquelle de nombreuses femmes ont été soumises, mais aussi du rôle indispensable qu’elles ont joué dans la transfiguration et le renouvellement de sa ville. Malgré les nombreuses cicatrices et les traumatismes d’un conflit prolongé, la résilience des femmes a permis à la communauté de vivre une transformation qu’elle n’aurait pas pu connaître autrement. Dans ce contexte, elle nous a implorés de répondre aux besoins de l’Église en fournissant à ses membres des outils et des compétences pratiques pour faire face aux conflits, aux divisions et aux ruptures qu’ils connaissent ; elle a insisté pour que ces compétences soient fondées sur les valeurs bibliques et la réflexion théologique afin que la communauté puisse continuer à guérir et aider les autres à faire de même.

Ce témoignage émouvant a permis, avec beaucoup d’autres, de catalyser une prise de conscience des « murs d’hostilité » destructeurs, toxiques et isolants — constituant la distanciation sociale ultime — qui ont été construits dans nos contextes, mais aussi de la puissance du Prince de la paix, qui nous a appelés à être des ambassadeurs de réconciliation.

Pour aller plus loin… www.formation-justice-et-paix.com

Matthew Krabill


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Des étudiants burkinabè écrivent l’histoire de l’Église africaine

Un étudiant burkinabè regrette que l’Église d’Afrique soit « comme une pirogue qui part sans laisser de trace ». Anicka Fast s’est engagée à changer cette réalité, en enseignant aux étudiants de l’Université chrétienne Logos de Ouagadougou à collecter l’histoire orale et à rédiger des biographies de chrétiens africains.


Durant l’année universitaire 2020-2021, une classe de 34 étudiants de dix familles d’Églises différentes a étudié le christianisme en Afrique. En tant qu’enseignante, je voulais qu’ils prennent conscience du rôle central des chrétiens africains dans la propagation de l’Évangile en Afrique. En même temps, je voulais qu’ils reconnaissent leur propre rôle potentiel dans la préservation des récits de cette activité missionnaire.

Chrétiens d’Afrique

Pour intégrer ces deux objectifs, j’ai organisé le cours autour de biographies. Nous avons exploré des thèmes historiques clés – le colonialisme, les mouvements d’Églises indépendantes, la persécution et les initiatives missionnaires africaines – à travers le prisme de récits de vie de chrétiens africains. Les étudiants ont été fascinés par les royaumes perdus de la Nubie et les statistiques choquantes de la traite des esclaves. Ils ont saisi l’importance de prophètes comme Kimpa Vita et William Wade Harris qui ont ancré le christianisme dans les cultures et les contextes africains. Leurs épaules se sont affaissées lorsqu’ils ont découvert la trahison de l’évêque nigérian Samuel Ajayi Crowther par ses jeunes collègues blancs. Et chacun s’est outillé, à travers des exercices pratiques, pour écrire sa propre biographie d’un chrétien burkinabè.

Cours d’histoire
Les étudiants attentifs pendant le cours « Histoire de l’Église en Afrique de l’Ouest et actualité de sa mission aujourd’hui » à l’Université chrétienne Logos de Ouagadougou.
Crédit photo : Josué Coulibaly

Retour aux sources

Le dernier jour, j’ai demandé aux étudiants ce qu’ils retiendraient de ce cours. Leurs réactions ont été fortes et ont suscité la réflexion. Plusieurs étudiants ont été étonnés d’apprendre que l’Église en Afrique était présente bien avant l’arrivée des puissances coloniales. Ils ont considéré que cela changeait la donne. Zongo Sibiri Samuel, l’un des étudiants les plus anciens, a commenté le fait que de nombreuses contributions importantes des chrétiens africains à l’Église en Afrique restent inconnues et non documentées. Il a déploré que l’Église africaine soit « comme une pirogue qui part sans laisser de trace ». En même temps, lui et d’autres ont exprimé leur sentiment que, malgré les difficultés persistantes d’accès aux sources et aux récits, ils avaient maintenant « des outils pour écrire l’histoire ».

Un mouvement qui se poursuit

Je suis enthousiaste à l’idée de travailler aux côtés de ces historiens africains. Mais je suis aussi frappée par les barrières persistantes qui font que certaines histoires ont encore bien plus de poids que d’autres. Je suis reconnaissante d’avoir l’occasion d’être en Afrique et de participer au mouvement missionnaire qui fleurit sur ce continent depuis les temps anciens : un mouvement diversifié, fidèle, et inspiré par l’Esprit.

Anicka Fast
ouvrière pour le Mennonite Mission Network (MMN) et le Comité central mennonite (MCC)


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Tiéba Traoré (1958-1994), évangéliste et leader d’Église

Tiéba Traoré a joué un rôle-clé dans le développement des communautés mennonites au Burkina Faso. Sa biographie, rédigée par un étudiant, permet de (re)découvrir cette figure trop méconnue de l’Église africaine. Extraits.


Tiéba Traoré est né en 1958 à Kotoura, à l’ouest du Burkina Faso. En 1982, deux missionnaires de l’Africa Inter-Mennonite Mission (AIMM), Anne Garber et Gail Wiebe, sont arrivées à Kotoura. Tiéba leur a servi de traducteur senoufo-français. Curieux au sujet de Dieu, il était content d’entendre la bonne nouvelle. Lors d’une campagne d’évangélisation en 1983 avec un évangéliste venu de la Côte d’Ivoire, il fut le premier à donner sa vie à Jésus. Sa première femme Mariam décida de se convertir aussi. En 1985, Tiéba et quatre autres personnes furent les premiers chrétiens à être baptisés parmi le peuple sénoufo.

Après son baptême, Tiéba vivait une vie pieuse et annonçait la Parole de Dieu. Un jour, quand un renommé voleur a volé son mil, Tiéba alla lui donner encore plus de mil au lieu de lui faire du mal. (…) Les chrétiens des trois villages – Kotoura, Kangala et Sayaga – se sont mis ensemble pour aller évangéliser au village voisin de Sokouraba. Tiéba et deux autres frères chrétiens, Larito et Joël Traoré, visitèrent régulièrement les nouveaux convertis et collaborèrent avec les Assemblées de Dieu dans les campagnes d’évangélisation.

Tiéba Traoré, entouré de sa famille, vers 1985 (au moment de son baptême ou peu avant), à Kotoura.
Crédit photo : Anne Garber Kompaoré

Tiéba décéda d’une méningite le 22 février 1994 à l’âge de 36 ans. (…) Mais Dieu veilla sur son Église pour qu’elle ne meure pas. L’Église de Kotoura, l’une des premières assemblées de l’Église évangélique mennonite du Burkina Faso, a continué à se développer, d’abord sous la direction des anciens, puis des pasteurs Mamadou Traoré et Daouda Traoré. Elle est un héritage de la vie et du témoignage de Tiéba Traoré.

Josué Coulibaly


Pour aller plus loin…

Le site du DIBICA compte presque 3000 biographies, dont environ 500 en français. Pour lire la version intégrale de la biographie de Tiéba Traoré et celle d’autres chrétiens burkinabè, écrites par les étudiants à Logos, voir : www.dacb.org/fr/sort/stories/burkina-faso


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Coordination de la publication des articles : Jean Paul Pelsy

L’Église du Burkina Faso va de l’avant

L’Église Mennonite du Burkina Faso vit comme le monde entier ces moments difficiles de pandémie à coronavirus qui a suspendu nombre de ses grands rassemblements. Elle a pu néanmoins tenir une assemblée générale élective les 14 et 15 janvier derniers. Un temps fort à plus d’un titre.

Passage de relais au comité exécutif

Après quatre années passées dans la conduite des affaires de l’Église nationale, ce fut pour le comité exécutif le moment de présenter son bilan lors de cette assemblée générale. Il a ainsi énuméré les acquis avant de souligner quelques insuffisances présentées sous forme de défis, puis a décliné les perspectives qui serviront de bases pour le nouveau comité dont l’élection devait suivre.

L’élection a conduit le pasteur Bananzaro Calixte à la présidence du comité exécutif pour un mandat de quatre ans. Elle s’est déroulée dans la paix. Sur les six membres du nouveau comité, il y a trois jeunes. Cela résulte de la volonté des autorités de l’Église d’impliquer la jeunesse dans la prise de décisions. Le nouveau président a invité les participants à soutenir le comité par la prière, les ressources et les propositions d’idées à même de booster la croissance spirituelle et numérique de l’Église nationale dans son ensemble.

Les nouveaux diplomés
Crédit photo : Siaka Traoré

Sortie d’une promotion d’élèves pasteurs

La sortie de promotion, quant à elle, a vu le couronnement d’études de trois élèves pasteurs et a été saluée par la remise de parchemins pour l’entrée dans la mission pastorale. Ces nouveaux pasteurs viendront décharger un tant soit peu les pasteurs en activité qui sont souvent limités au regard du nombre impressionnant de sollicitations de leurs fidèles.

Pour les communautés locales, avoir un pasteur est une merveille. Dans les villages, les gens ne savent ni lire ni écrire. Ils ont une soif de la Parole de Dieu qu’ils ne peuvent étancher s’ils n’ont personne pouvant la leur lire et expliquer. Nombreuses sont les communautés qui n’ont pas de pasteur et qui, lorsqu’elles ont l’occasion d’avoir la visite d’un pasteur pour prêcher, sont émues de joie. C’est pourquoi cette cérémonie de sortie était une grande joie pour l’Église entière. Ainsi les communautés sans pasteur représentées à cette cérémonie gardaient, au-delà de la joie, l’espoir qu’un de ces pasteurs leur soit envoyé. Cependant, bien que ce rôle du pasteur soit d’une importance capitale, l’engouement pour la formation pastorale n’est pas aussi grand. En effet, dans nos contrées, les conditions de vie des serviteurs de Dieu ne sont pas enviables. Cette situation fait que l’acceptation de l’appel de Dieu pour la mission pastorale est un véritable sacerdoce. D’où la prière que Dieu suscite de bonnes volontés pour accompagner et soutenir ses serviteurs, car sa Parole dit que « La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers ». (Luc 10.2)

Consécration de pasteurs

La cérémonie de consécration a consisté à imposer les mains sur des pasteurs ayant eu une période probatoire de trois ans sur le terrain. La consécration leur confère la charge de célébrer les mariages, d’organiser des cours de baptême et de baptiser les candidats, de consacrer les enfants au Seigneur et de conduire les cérémonies funéraires. Neuf pasteurs ont été consacrés. C’est une cérémonie importante au regard du rôle que ces pasteurs consacrés jouent dans la vie des communautés.

Le groupe musical
Crédit photo : Kinani Sourabié

Un jour de joie

Les deux cérémonies de sortie et de consécration, bien que sobres, étaient riches en couleurs. De l’équipe d’animation aux jeunes en passant par les femmes, chaque groupe a esquissé des pas de danse en signe de manifestation de sa joie. Au regard de l’importance du pasteur dans nos communautés, et surtout de ceux consacrés, l’assemblée ne pouvait se priver d’exprimer sa joie pour cette grâce que Dieu venait encore de lui faire en qualifiant ces serviteurs pour son œuvre. Ce qui rappelle le passage de Lamentations 3.22- 23 : « Les bontés de l’Éternel ne sont pas épuisées, Ses compassions ne sont pas à leur terme ; elles se renouvellent chaque matin. Oh ! que ta fidélité est grande ! »

Un festin a été organisé pour encore prolonger ces moments. En effet, tous les événements heureux s’accompagnent de délicieux mets chez nous au Faso. Ce partage de repas marquait la fin de la rencontre nationale 2021 dont les rideaux sont tombés avec la prière du pasteur Mamadou Traoré pour accompagner les participants dans leurs localités respectives. Rendez-vous a été pris pour les 14 et 15 janvier 2022 pour une assemblée générale nationale similaire.

Kinani Sourabié
coordonnateur de projets du Mennonite Central Committee au Burkina Faso


Dartan Sourabié – Son parcours et son ministère

Dartan Sourabie et Kari Traoré
Crédit photo : Kari Traoré

Dartan a été l’un des premiers convertis du campement de Tchèkélédougou. Il s’est vite démarqué du reste du groupe par son assiduité et son désir de s’approprier les textes bibliques jusqu’à demander à s’inscrire à la Formation Biblique de Base à Orodara. Avec l’Église de Samogohiri, nous l’avons soutenu pendant les trois dernières années. Le 16 janvier 2021, il est sorti comme pasteur en vue de servir à mes côtés à Saraba. Dartan est marié et père de deux enfants. Merci de continuer de prier pour nous afin de porter l’Évangile dans les environs de Saraba.

Kari Traoré

Cet article et le réseau mennonite francophone
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Coordination de la publication des articles : Jean Paul Pelsy

Être mennonite, en France, aujourd’hui ?

crédit photo : Claude Nommay

Observateur du monde mennonite français depuis 35 ans, Didier Bellefleur a accepté de partager son regard personnel sur cette identité mennonite en 2020.

La syntaxe de ce titre est volontairement bancale. Ce qui commence comme une affirmation simple, objective, se termine par un questionnement, tant il est vrai que l’identité mennonite française me paraît problématique. Mais ce que je vais écrire ici n’engage que moi : il ne s’agit que d’un ressenti, sans rechercher l’exactitude historique, sociétale et encore moins théologique.

Cela fait maintenant 35 ans que j’ai rejoint les mennonites. Mon père et mon grand-père, à Nancy, étaient déjà des amis de la famille Muller de Toul, si bien que je les ai connus dès mon adolescence (et j’y ai rencontré celle qui est devenue ma femme, il y a de cela plus de quarante ans). Mais c’est en arrivant à Strasbourg en 1984 que je m’y suis vraiment intéressé, que j’ai recherché le sens de ce mot bizarre, mennonite. Ma première déception fut de ne pas trouver, parmi les responsables de l’Église, un Français répondant clairement et simplement à cette question. Ce n’est que petit à petit, au hasard des rencontres, des lectures, des conférences, que j’ai compris ce que je vais écrire ici.

Le poids de l’histoire

Très tôt, j’ai entendu parler des « papes », souvent avec crainte et respect. J’ai finalement compris qu’il s’agissait d’hommes sincèrement convertis et profondément consacrés, qui se sont dévoués à une (re ?) naissance des Églises mennonites de France aux alentours de la fin de la 2e Guerre mondiale. Ils n’avaient, pour la plupart, pas de formation théologique et tiraient leurs enseignements d’une lecture assidue de la Bible, qu’ils connaissaient très bien. Si bien qu’ils se sont rapprochés naturellement des autres évangéliques, entraînant leurs Églises dans ce mouvement.

Ils ont aussi décidé, ayant peut-être conscience de leurs lacunes en théologie mennonite, d’accepter l’aide des mennonites nord-américains. Cela s’est traduit par la création, dans les années 1950, du Bienenberg en matière de formation, et de plusieurs œuvres sociales, pour mettre en pratique la « suivance de Christ ».

Mais c’étaient aussi des hommes autoritaires, imposant leur vision des choses quitte à chasser les contradicteurs. Lors de leur disparition, les références manquaient encore en matière de corpus de théologie anabaptiste en français, si bien que les Églises se sont inscrites davantage dans la mouvance évangélique que dans la doctrine mennonite.

Un autre élément fort est la notion de famille mennonite. Lors des réunions de délégués (et je n’en ai manqué que deux ou trois depuis 1989 !), l’ordre du jour prévoit toujours un mot d’histoire de l’Église qui accueille. Au début, les exposés citaient les noms trouvés dans les registres d’état civil, remontant dans les siècles passés, et s’il s’agissait de Klopfenstein, de Peterschmitt, ou autre Nussbaumer, cela suffisait pour affirmer la présence d’une Église mennonite. J’ai aussi été témoin de la déclaration d’un délégué, disant : « Il est un bon mennonite, car c’est le fils d’un mennonite », sans que personne n’y trouve à redire. Lors de l’enterrement d’un homme qui avait quitté les Églises mennonites pour une autre dénomination, j’ai entendu : « Quand on est mennonite, on le reste toute sa vie ! » On était loin de l’Église de professants que les mennonites prétendaient être !

Un congrégationalisme fort

Une des caractéristiques de nos Églises est leur indépendance, défendue jalousement à chaque occasion et inscrite clairement dans les statuts de l’Association des Églises Évangéliques Mennonites de France. Pourquoi ce choix ? Je l’ignore… Certes, le Règlement Intérieur de l’AEEMF institutionnalise la réunion des Anciens, Prédicateurs et Diacres. Selon l’article 7, ils « réfléchissent, échangent et délibèrent en matière de doctrine, […] Ces délibérations entérinées par la réunion des délégués constituent une référence pour les Églises et pour l’AEEMF ».

Mais force est de constater que l’usage de cette réunion annuelle est plus de l’ordre de la formation ou de l’information, que de la construction d’une doctrine commune. Il en a résulté une évolution doctrinale des Églises au gré des responsables qui s’y engagent et des influences locales, sans un « arbitre » au niveau national pour définir ce qui relève vraiment d’un mouvement mennonite.

Aujourd’hui, j’ai l’impression que nos Églises se situent, chacune à des distances variables, entre deux pôles que l’on pourrait caractériser ainsi :

1. Une Église (au mieux) historiquement mennonite, et à théologie évangélique, ou autre ;

2. Une Église à théologie mennonite, ou cherchant à y tendre, s’appuyant sur l’enseignement issu des formations du Bienenberg (EFraTA) ou des publications des Cahiers ou Dossiers de Christ Seul, ainsi que celles de la collection Perspectives Anabaptistes.

Mennonite aujourd’hui

Depuis 35 ans, la réalité des Églises a beaucoup évolué. La persécution religieuse n’a plus cours chez nous ; la société qui nous entoure n’a plus de culture chrétienne, et les croyants sont devenus minoritaires. Les tensions entre dénominations chrétiennes se sont largement apaisées, allant jusqu’à la demande mutuelle de pardon. En parallèle, l’islam monte en puissance ; et l’athéisme devient la philosophie dominante, parfois intolérante à l’expression d’une foi sous couvert d’une laïcité dévoyée.

Dans ce contexte, il est clair que la multiplicité des dénominations chrétiennes donne une impression de division qui nuit à un témoignage crédible de l’Évangile. Si donc une dénomination existe, elle doit avoir un sens clair et assumé par tous ceux qui la portent, permettant d’identifier une sensibilité particulière dans un ensemble plus vaste.

Mon vœu est que nous travaillions à donner un sens au mot mennonite qui nous soit commun, et pas seulement en surface. Cela signifie la construction de références doctrinales élaborées ensemble, par la discussion, l’écoute mutuelle et la négociation, où chacun accepte de faire un pas vers l’autre.

Didier Bellefleur
Église de Strasbourg-Illkirch, ancien,
président du bureau de l’AEEMF

Les mennonites congolais à l’épreuve de la pandémie de Covid-19

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En République Démocratique du Congo, la crise sanitaire est venue s’ajouter aux difficultés quotidiennes de la population. Comment les communautés mennonites font-elles face ?

L’année 2020 devait être l’année de l’espoir selon les promesses faites par le nouveau gouvernement. Mais hélas, ces espoirs ont vite tourné à la désillusion et l’angoisse. La pandémie de Covid-19 est arrivée en République Démocratique du Congo (RDC) et dans d’autres pays africains. Les Africains se disaient : « Si le bois vert brûle, qu’en sera-t-il du bois sec ? » En effet, l’Organisation mondiale de la santé, relayée par les médias, prédisait le pire pour l’Afrique. En RDC, l’instauration de l’état d’urgence au mois de mars 2020 et l’annonce par le gouvernement provincial du confinement de la ville de Kinshasa ont semé la panique dans le pays.

État des lieux de la RDC

La RDC est un vaste territoire au cœur de l’Afrique. Sa population est estimée à plus de 80 millions d’habitants. Sa capitale Kinshasa est une mégapole de plus ou moins 12 millions d’habitants. La situation économique du pays est très dégradée. Les habitants des villes vivent de l’économie de la débrouille. L’est du pays est toujours en proie à la violence. Des groupes armés sèment la mort et la désolation. Dans les villes, le banditisme urbain cause aussi des victimes.

L’épidémie de Covid-19

Les premiers cas confirmés de Covid-19 sont apparus à Kinshasa. Après des tractations, le gouvernement a finalement opté pour un confinement partiel. En effet, le confinement de toute la ville aurait provoqué une crise alimentaire aux conséquences dramatiques. Les mesures barrières ont été rendues obligatoires. La pandémie s’est répandue dans d’autres provinces, Congo central, nord Kivu, sud Kivu, Lualaba, Kwilu, Kwango, etc. 264 décès ont été enregistrés pour un total de 10 390 cas confirmés (données au 14 septembre 2020).

La présence mennonite

Les mennonites sont présents dans 11 des 26 provinces de la RDC. Historiquement, les mennonites nord-américains sont arrivés dans le pays en 1911. Jusqu’à un passé récent, la RDC comptait trois communautés mennonites qui font partie de la Conférence mennonite mondiale et qui sont regroupées autour d’une plate-forme nationale dénommée Comité national Inter Mennonite (CONIM). Cette plate-forme est un cadre permanent de dialogue, d’échanges et de recherche de l’unité entre les communautés mennonites congolaises. Suite à des divisions au sein des communautés, d’autres unions d’Églises mennonites sont nées, mais ne sont pas membres de la CMM.

Les conditions de vie pendant la crise sanitaire

Les conditions de vie des Congolais se sont détériorées ces deux dernières années. La pandémie de Covid-19 est venue aggraver une situation déjà chaotique. Les mennonites congolais souffrent avec le reste de la population. Ils sont exposés à la faim, aux maladies hydriques, au chômage et à la pauvreté. La fermeture des églises complique la mise en œuvre d’actions de solidarité envers ceux qui sont dans le besoin. Beaucoup de membres portent seuls leurs fardeaux. Les baisses de ressources imposées par la pandémie réduisent également les dons faits par les membres, mettant en difficulté les familles des pasteurs.

En conclusion, ce que nous avons constaté durant cette période

Au plan national :

• Aggravation de la crise alimentaire dans les familles en milieu urbain.

• Crise économique et sociale accentuée par le ralentissement de l’activité économique formelle et informelle.

• De nombreux cas de décès liés à la Covid-19 et à d’autres maladies dans la ville de Kinshasa.

 Parmi les mennonites :

• Aucun cas de décès de Covid-19 dans les communautés mennonites congolaises.

• Renforcement des cultes de maison et création d’équipes de suivi pour encourager les familles.

• Développement de l’utilisation des outils Internet, WhatsApp, Facebook, SMS pour envoyer des messages bibliques aux membres et d’autres informations sur la pandémie et la vie communautaire.

Perspective d’après-crise

La foi en Dieu et la foi dans les efforts consentis par les professionnels de santé nous donnent l’espoir que cette pandémie sera éradiquée. Cependant, pour l’heure, elle se poursuit en RDC et les conséquences sont dramatiques pour les populations. La misère des Congolais a redoublé pendant cette période. Le risque que le pays sombre dans le chaos à la suite des tensions sociales est très perceptible.

Au niveau des communautés mennonites, les leaders doivent se préparer pour relever les défis d’après-Covid. Ils doivent être aptes à faire face aux changements qui interviendront dans le monde après cette pandémie. Des changements profonds sont envisageables à l’échelle planétaire dans tous les domaines de la vie humaine. Ainsi les Églises mennonites congolaises auront besoin de leaders transformationnels, motivés, dévoués, passionnés et capables d’impulser le développement intégral des communautés et du pays.

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Muller Ndunzi

Muller Ndunzi
représentant provincial de la Communauté des Églises des Frères mennonites à Kinshasa

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